articles - biographie - actualité Les Allumés du Jazz, N°10, Printemps 2004 LE SWING DE LA SOURIS, interview. Tout a commencé en 1987-88, je me souviens
d'un concert auquel m'avait emmené un ami, l'ONJ d'Antoine Hervé
dans le gymnase du lycée, une révélation, je me souviens
de musiciens incroyablement classe, une maîtrise que je ne soupçonnais
même pas. Le vrai choc est venu dans la foulée, c'était
un disque de Michel Portal, Turbulence. J'y ai découvert la clarinette
basse et surtout que la musique pouvait être superbement déroutante,
étrangement profonde. Ma mère tenait un magasin de disques
à l'époque, du coup j'épluchais tous les catalogues
de ses fournisseurs et achetais systématiquement les disques de
clarinettistes basses (Louis Sclavis, Eric Dolphy, Sylvain Kassap, Denis
Colin, Marty Ehrlich, André Jaume...). Puis j'ai passé des
années à acheter «aux rayons jazz», de BBFC
à Un Drame Musical Instantané en passant par Marc Ducret
dont je suis le parcours depuis les premiers disques proprets chez Label
Bleu jusqu'au très réussi qui parle ?. Qu'est-ce qui vous y séduit ? La liberté, la créativité,
ce sont les seules musiques, avec celles du monde, qui me surprennent,
m'apaisent, me font rêver. Et puis il y a les instruments. Je suis
très attaché aux instruments acoustiques, les cordes de
Didier Petit, celles de Chevillon ou de Tchamitchian, le trombone d'Yves
Robert, le tuba de Michel Godard... Je suis généralement
plus attiré par les timbres, l'instrument comme extension du corps,
que par la mélodie ou le rythme. Il y a heureusement de très
nombreuses exceptions, de même que des sons synthétiques
peuvent être superbes. Comment en êtes-vous arrivé à créer des modules interactifs sur Internet ? Après une douzaine d'années passées avec pinceaux, brosses et spatules, j'ai totalement remis en question mon activité de peintre. Je cherchais un nouveau média. Après m'être essayé à des installations comprenant des objets et des projections diapos et super 8, je me suis inscrit fin 99 à la fac en ATI (art et technologies de l'image à Paris 8). Une intuition me faisait penser qu'il y avait, avec les ordinateurs, matière à trouver de nouveaux médiums qui me permettraient d'avancer. ATI tournait autour de la 3D, je me suis vite aperçu que ce n'était pas ma tasse de thé, trop laborieux et surtout d'une esthétique difficilement contournable et fort ingrate. Ma chance a été de me rendre à une expo conseillée par un des profs, c'était au Forum des Images, j'y ai vu les cédéroms Machiavel de Jean-Jacques Birgé et surtout Alphabet du même Birgé et de Frédéric Durieu et Murielle Lefèvre. Je n'ai pu manipuler Alphabet que quelques minutes mais ce fut un vrai choc. Je n'avais encore jamais utilisé de cédérom à l'époque et je n'ai rien compris du rapport entre mes mouvements de souris et ce que je voyais et entendais mais ça m'a totalement fasciné. C'était exactement ce que je cherchais. J'ai demandé à un collègue comment c'était fait, on m'a parlé d'un logiciel qui s'appelait Director. Avec, je pouvais jouer sur les superpositions de texture comme je le faisais dans la peinture et surtout je pouvais y manipuler du son, de la vidéo et de l'interactivité. J'ai passé trois mois dessus avec l'aide d'un très gros livre et j'ai réalisé un cédérom basé sur des musiques traditionnelles, de la peinture, de vielles photographies et des samples vidéo. Avec mon cédérom dans la poche je suis allé voir Murielle Lefèvre qui avait produit Alphabet. Le courant est passé, j'avais sous le coude des essais de danseurs interactifs pour le Net. Dans la foulée Murielle m'a fait rencontrer Frédéric Durieu qui nous a rejoint pour le projet Danse ! (présenté au Möbius 2000) et qui m'a appris les bases du lingo (le langage de programmation de Director). Fin 2000-début 2001, on s'amusait ensemble à faire des expérimentations interactives souvent basées sur la vidéo, et un soir on s'est dit que les objets que l'on créait pourraient très bien être mis en ligne, on n'y connaissait rien mais Kristine Malden, la compagne de Fred, nous a aidés à créer un site, LeCielEstBleu, au sein duquel nous a rejoints Jean-Jacques Birgé. Mais le peintre qui sommeillait en moi avait besoin de plus d'indépendance et d'autonomie, du coup j'ai créé mon propre site Web, Flying Puppet, en avril 2001. J'ai continué à créer ces objets étranges que j'ai appellés tableaux interactifs. Très vite, Jean-Jacques s'est offert de composer des sons ou des musiques pour eux, et nous avons depuis co-réalisé de nombreux projets. Quel type de relation entretenez-vous avec les musiciens avec qui vous avez réalisé vos tableaux ? Très bonnes. J'apprends énormément
du travail collectif, avec Jean-Jacques Birgé par exemple, avec
qui je travaille sur de nombreux projets. Mais avec lui ça ne se
joue pas forcément en termes de musique, c'est souvent une collaboration
qui ressemble à une co-réalisation, à une co-écriture
interactivo-cinématographique même s'il ne manipule pas lui-même
l'outil final, Director. Quelle visibilité avez-vous sur Internet ? Énorme, comparée à celle que j'avais avec la peinture (400 000 visites depuis le début du site il y a deux ans et demi) et peu comparée aux possibilités du réseau, j'imagine que certains sites de cul génèrent des centaines de milliers de visites par jour. Les réactions sont nombreuses et ne se limitent pas au temps des expositions. Les propositions de collaborations, d'expos, d'interventions, sont simplifiées sur le Web, tout est très simple pas besoin de faire du pince-fesses dans les vernissages pour montrer qu'on existe... et puis c'est une façon de court-circuiter les institutions même si elles peuvent finir par vous mettre la main dessus. Avez-vous déjà joué "live" ? Je dirais que je joue live dès lors que
je présente mon travail au public.
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