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Art digital. Un site consacre six artistes français virtuoses du multimédia.

L'autre "French touch" brille sur le Net

samedi 22 février 2003
Paris Connection
A Rio (arteonline.arq.br/Paris),
à Toronto (www.coriolisweb .org/Paris),à New York (turbulence.org/Works/Paris),
et à Berlin (www.dichtung-digital
.org/2003/parisconnection.htm).


"Quelque chose de merveilleux est en train de se passer à Paris." Jim Andrews, artiste canadien versé dans les nouveaux médias, a l'enthousiasme créatif. De ses pérégrinations sur le Web, il a conclu que l'épicentre de la planète Net-art était désormais français, et s'est lancé pour le prouver dans un projet atypique et mondial comme seul l'Internet sait en produire.
Depuis deux jours sur le Net, la "Paris Connection" consacre six artistes français virtuoses du multimédia, tous amis, travaillant ensemble ou séparément, constituant un réseau dans le réseau (1). Jean-Jacques Birgé, Frédéric Durieu, Antoine Schmitt, Nicolas Clauss, Servovalve et Jean-Luc Lamarque voient ainsi leur travail reconnu et valorisé par quelques structures parmi les plus éminentes de la nébuleuse digitale, le site Turbulence à New York, Arteonline à Rio (le site du "musée de l'essentiel et du au-delà de ça"), Dichtung Digital à Berlin, revue culturelle online, et Coriolisweb, site-galerie du Centre de communications créatives à Toronto.
L'objet final, mélange d'interviews, d'exégèses érudites, de pièces numériques, accessible d'un clic et enrichi d'une documentation et d'une mise en page des plus soignées, est traduit en quatre langues (anglais, français, portugais et espagnol), présenté en quatre versions depuis Rio, Toronto, New York et Berlin.
Originalité. Né de l'enthousiasme de Jim Andrews, ce projet collaboratif (l'équipe éditoriale compte une quinzaine de personnes) comble un vide absolu: aucune galerie, publication ou musée n'avait jusque-là pointé du doigt la "french touch" en matière de création numérique en France. A mi-chemin de l'exposition, de la critique et du webdesign, Paris Connection rend hommage au "génie français" qui a su développer un "art plus sensuel que les prémices du Net-art, mais aussi une création qui synthétise art, programmation, médias et communications interactives", dit Jim Andrews.
Difficile de faire le lien entre leurs créations, sauf à s'accorder sur leur absolue originalité dans un paysage digital partagé entre "Flasheurs" (les courts très graphiques conçus avec ce logiciel devenu culte) et Net-art de la première heure (les hacktivistes d'Europe de l'Est). Si unité il y a, elle n'est pas esthétique, l'univers sombre de Servovalve étant à l'opposé des facéties d'un Durieu, la palette ocre d'un Nicolas Clauss n'a pas grand chose en commun avec les compositions génératives d'Antoine Schmitt. Servovalve impose un graphisme musical minimaliste, Frédéric Durieu détourne les images les plus banales, girafes dégingandées que l'internaute s'appliquera à faire voler ou sauter (Libération du 30/08/2002), Nicolas Clauss laisse deviner ses obsessions picturales dans ses saynètes animées où le clic déclenche une danse, agrandit une fenêtre, fait exploser des fleurs (Libération du 19/10/2001). Jean-Luc La marque a mis au point l'un des programmes les plus réjouissants et participatifs du réseau, le Piano graphique, instrument interactif qui permet de "jouer" des touches pour déclencher sons et images. Quant à Jean-Jacques Birgé, touche-à-tout de génie, il a participé à l'écriture de quelques-unes des plus belles pages multimédias, d'abord sur CD-Rom avec Alphabet, le Théâtre de minuit ou encore Machiavel, écrit avec Antoine Schmitt, un titre qui préfigurait certains des meilleurs logiciels de musique graphique.
Hot. Pour Jim Andrews, "la cohérence d'ensemble, fascinante, a beaucoup à voir avec l'influence de Jean-Jacques Birgé". Plus âgé et expérimenté, formé aux techniques du cinéma puis de la composition, Jean-Jacques Birgé est aussi le seul à avoir travaillé avec tous les autres. C'est dans sa maison-studio à Bagnolet, aux portes de Paris, que les uns et les autres se retrouvent. "Paris Connection de Jim s'inspire du Groupe des Six surréalistes réunis autour de Cocteau pour les Mariés de la tour Eiffel" (2), répond en souriant Jean-Jacques Birgé. Pour Jim Andrews, "Servovalve, Lamarque et Birgé sont à la pointe du webdesign sonore, de la musique visuelle et du son interactif. Durieu et Schmitt sont à la pointe de la programmation multimédia. Et Nicolas travaille à l'intersection du cinéma expérimental, de la peinture et de l'interactivité". Et d'ajouter: "These guys are hot." On ose espérer que leur tout nouveau prestige international rejaillira sur d'autres artistes engagés en France dans la construction de ces nouvelles formes d'art où tous les sens du spectateur sont sollicités. (1) Une discussion en ligne avec les artistes et les auteurs du site a lieu dimanche à 19h (heure de Paris).
(2) Cocteau était le porte-parole du "groupe des six", réunion amicale de jeunes compositeurs, Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre, qui n'ont composé qu'une oeuvre collective, les Mariés de la tour Eiffel, en 1921, sur un texte de Jean Cocteau.

Annick RIVOIRE


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