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(+ interview) Bien qu'il ne soit pas programmeur, il connaît suffisamment le Lingo (il utilise Director) pour faire ce qu'il veut, semble-t-il. Durieu lui a appris Director - on ne peut rêver meilleur professeur. Mais si vous regardez le travail de Durieu ainsi que celui de Clauss, vous vous rendez compte que Clauss a suivi sa propre voie. Ce qui est bien naturel. Plaignons le pauvre étudiant qui admirerait assez le travail de Durieu pour essayer de suivre le même chemin sans être un mathématicien et un programmeur entraîné. Le chemin vers le désespoir assurément. Certains vont où ils ne peuvent être suivis. Non, Clauss a suivi son propre chemin. Dans les programmes que j'ai vus de lui, son lingo est entièrement contenu dans le script d'image. Entendez que l'action et l'interactivité sont entièrement contrôlées par un script, le script du marionnettiste, d'une certaine manière. Plutôt que de créer des objets plus ou moins indépendants avec leurs propres comportements, les travaux de Clauss sont des travaux à "script unique" dans lesquels les différents médias sont subordonnés au comportement global de la pièce. Ceci peut vouloir dire que les travaux atteignent une grande cohésion. Et c'est ce qui se passe dans certains de ses travaux. Cela peut aussi vouloir dire que la programmation est limitée en étendue. Mais l'innovation en programmation n'est pas ce qu'il cherche. Dans l'interview ci-dessous, nous trouvons l'échange suivant : Andrews : Certains de vos travaux récents,
comme "Avant la nuit" et "Les Dormeurs" mettent en
uvre des notions intéressantes de cinéma interactif,
il me semble. Pensez-vous que cela soit une bonne description ? A quoi
aspirez-vous avec ce genre de travaux ? C'est une approche très différente de l'influence de la peinture sur les arts numériques que celle que l'on trouve dans les travaux de Mark Napier, par exemple, qui est lui aussi peintre. Mais il y a New York d'un côté, et Paris de l'autre. Et l'on a aussi l'impression que Clauss prend encore la peinture au sérieux, d'une manière dont Napier n'arrive plus à se forcer à faire. Mais aussi, Clauss travaille avec la vidéo et la photographie, alors que Napier tend plutôt à amener l'art de la programmation au grand jour. Sont-ils aujourd'hui plus différents comme artistes qu'ils ne l'auraient étés comme peintres ? De la peinture, à travers de nombreuses influences, et jusqu'au moniteur pour leurs deux démarches. Le cadre est plus grand et plus petit, pour l'un comme pour l'autre, que s'ils étaient restés peintres. Le cadre du monde met en uvre les ordinateurs de manière forte. Et la différence entre eux en ce qui concerne ce qui arrive sur le moniteur ? Et au bout des doigts... et où et comment cela est vu... c'est un contexte mondial. Une des choses intéressantes à propos du groupe informel, et souvent collaborant, d'artistes parisiens dont nous parlons, est l'étendue de ces artistes dans le champ des arts, des médias mais aussi de la programmation et des mathématiques. Et pas seulement l'étendue mais aussi l'intensité de chacun d'entre eux. Le niveau artistique et de savoir-faire ci-inclus, la passion, et la productivité. Clauss compense son manque d'habileté en mathématiques et en programmation par une vision de l'expérimentation " avec l'espace entre la vidéo, l'interactivité et la peinture", et par une grande expérience et son intérêt pour de nombreux arts. Et pour une habileté inhabituelle à réaliser des travaux collaboratifs. En plus, bien sûr, il a un regard et une oreille '"poétiques". Le désir de plénitude que les gens de tous âges ressentent est exhaussé d'une manière magnifique dans le travail collaboratif de ces artistes. Il sera intéressant de voir, avec la suite de son travail, s'il sera capable de garder son degré d'invention sans avoir à plonger plus profondément dans la programmation. Il arrive souvent à des artistes qui ne savent pas programmer tout ce qu'ils veulent d'atteindre un point où ils commencent à se répéter, incapables d'implémenter ce qu'ils imaginent, ou pire, incapables d'imaginer au-delà de ce qu'ils savent. Bien que Clauss ne soit "pas intéressé par le code", en regardant son travail, il n'est pas difficile de voir qu'il dépend du code de nombreuses manières. Aussi, les "idées de programmation" n'ont pas la variété que nous trouvons dans le travail de Schmitt par exemple, qui fabrique des algorithmes qui seront utiles non seulement dans son propre travail mais qui concernent le mouvement humain en général, dans d'autres applications. C'est une sorte de combinaison entre art et recherche qui inclue l'art et la programmation. De manière similaire, les "idées de programmation" de Napier ont souvent à voir avec la technologie client-serveur et mettent en oeuvre des algorithmes généraux pour divers types d'échanges de données à travers le net, dans le contexte de l'art. Les "idées de programmation" de Clauss sont plus orientées vers ce qu'on pourrait décrire par des "problématiques narratives" et des problématiques de "peinture numérique". Sa synthèse est entièrement dans le champ des arts. Il y a des similarités de programmation entre "One Day on the Air" et "Massacre". L'un est à propos de la radio et l'autre de la peinture. La nature de l'interactivité dans les deux crée une sorte de rhétorique de la transition, différente dans les deux cas. C'est une sorte de machine narrative poétique. L'interactivité pilote ces travaux comme les verbes pilotent une phrase. Cela fonctionne pour ces deux travaux car ils sont plutôt différents dans ce qu'ils révèlent de l'étendue de l'idée interactive comme machine narrative ou rhétorique. Ces formes ont une certaine étendue. Il y a aussi une répétition intéressante entre l'effet de la "peinture" dans "Avant la nuit" et "Dark Matter". De temps en temps, l'effet de texture lorsque l'on clique est utilisé de manière différente dans les deux pièces. L'effet dans "Avant la nuit " nous rappelle un des effets que la surexposition peut avoir en photographie. L'effet dans "Dark Matter" est plus explicité sur les différents usages de "l'encre" dans Director, mais c'est aussi de manière intriguante, une sorte de mixture "picturalo-programmative" de peinture par code. Clauss expérimente avec les encres de Director comme un peintre le fait avec la peinture. On est aussi frappé par la synthèse excellente et l'expérimentation avec le son dans le travail de Clauss. Comme avec la programmation dans des pièces comme "Dark Matter", qui est une collaboration avec Durieu et Birgé. Les différents arts et médias fonctionnent bien ensemble. Et les artistes eux-mêmes fonctionnent bien ensemble. L'aspiration de Clauss à expérimenter " avec l'espace entre la vidéo, l'interactivité et la peinture" est excitante et il a déjà réalisé des travaux intriguant dans ce sens. Son travail peut être mis en relation avec ceux de Michiel Knaven en Hollande, qui utilise aussi Shockwave, et Reiner Strasser en Allemagne, qui est sûrement maintenant le grand-père de ce genre de travaux sur le web. Ainsi Clauss est constamment collaboratif; il fait partie d'un groupe qui traverse brillamment les arts, les médias, la programmation et les mathématiques. Il est un art non seulement entre les arts, mais entre les gens. Comme il dit dans son interview, il y est à plein temps. Cela demande une certaine confiance en soi et une détermination particulière de sauter le pas ainsi sans filet, et de rester en l'air. Qu'il puisse continuer à voler haut et à n'être la marionnette de personne !
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