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Graphiland, 8 août 2001

Nicolas Clauss, de la peinture au multimédia 08/08/2002

Cet artiste multimédia à la brillante trajectoire est l'auteur de cinq-ailleurs.com. Retour sur les images d'un film passé en accéléré.

Exception
Nicolas Clauss est sans doute une exception dans le domaine de la création multimédia. Alors qu'à 33 ans le petit monde de l'art numérique l'a adopté, et qu'il jouit déjà d'une reconnaissance qui le précède dans ses démarches pour développer ses projets, Nicolas n'est venu au multimédia et à ses outils qu'en 1999. Ce peintre, qui se revendique toujours comme tel, ne connaissait presque rien de l'art numérique jusqu'alors.

Le choc Alphabet
Entre 93 et 99, après des études de psychologie, il voyage en Corée et en Australie, et peint des tableaux inspirés de Rauschenberg et Tapies, intégrant des objets dans ses toiles. A son retour en France, il se dirige vers le numérique et s'inscrit à l'université, spécialité choisie : la 3D. La déception est immédiate ; la discipline est indigeste, trop technique et trop détournée d'enjeux artistiques. Heureusement, il voit un jour, au forum des images le CD-Rom Machiavel de Jean-Jacques Birgé et surtout Alphabet, le CD-Rom aux innombrables prix, dont les auteurs sont Muriel Lefèvre de Dadamédia (éditeur du projet), Frédéric Durieu et le même J.-J. Birgé. Un vrai choc, décisif.

Director, logiciel roi
Nicolas contacte Durieu et Birgé, qui vont bientôt devenir ses acolytes. Sous la houlette bienveillante du premier ("que je ne remercierais jamais assez", confie-t-il), il se met à travailler, "comme un taré", sur Director et "bouffe" du Lingo, le langage objet développé par Macromedia pour son logiciel d'authorting. S'il déclare avec modestie ne pas être un "vrai développeur" Lingo et "avoir du mal à (se) relire", il est tout de même devenu un inconditionnel de l'outil. Outil qu'il compare favorablement avec Flash, disqualifié pour sa "faiblesse graphique", puisque le logiciel d'animation vectorielle "ne gère pas les transparences aussi bien que Director" et ne possède pas "les avantages du Lingo".

Premier CD-Rom
Il crée son premier CD-Rom, intégrant des photos anciennes et des musiques du monde entier. C'est déjà la marque de son univers : son goût pour des textures superposées et des tons chauds et nostalgiques ; ainsi que son intérêt pour l' "ailleurs", les mondes étrangers. Il participe dans la foulée à l'ouverture du site lecielestbleu.com, avec les incontournables Birgé et Durieu - que l'on retrouve aussi sur son site Flyingpuppets.com. Birgé devient l'auteur sonore de nombre de ses réalisations.

Projet artistique et humain
Deux ans après cette "naissance", Nicolas Clauss est un artiste qui vit de son travail et dont la créativité numérique semble parvenir à maturité avec le très beau "Cinq ailleurs" (lire notre article sur www.cinq-ailleurs.com). Créé dans le cadre d'une résidence d'artiste à l'ECM (Espace Culture Multimédia) de la ville des Mureaux, "Cinq ailleurs" est le premier volet (sur 3 prévus) d'un projet sur le thème de l'immigration. L'objectif : mettre en écran les "ailleurs" vécus par des immigrés de première génération (puis de seconde dans les futurs volets). Un projet à la fois artistique et humain.

Décalage surréaliste
"C'est un projet de longue haleine, qui s'est développé sur six mois et qui a eu le temps de mûrir". "La consigne était de partir d'un événement passé, d'un souvenir provenant de leur vie d'avant la France. Mais il n'y avait pas de structure, de schéma prédéfinis. J'ai vraiment fait avec ce que j'avais. Notamment au niveau du langage des acteurs, dont certains parlent à peine le français". Nicolas souligne également "le décalage, complètement surréaliste, entre les acteurs et la technologie utilisées."

Nos vies sont nulles
A ce jour, seulement deux des cinq intervenants ont vu le résultat, "et ils ont adoré". L'un d'eux était "particulièrement fier de voir ses souvenirs et ses objets personnels sur l'écran". Cette fierté contente visiblement beaucoup Nicolas qui fait part des résistances initiales de ceux qu'il nomme les "acteurs" : "Au début ils ne voulaient pas. Ils disaient 'nos vies sont nulles et n'intéressent personne'. Alors qu'ils ont des destins hallucinants, qu'ils ont vécu des choses qui sont pour nous 'extraordinaires'".

Interactivité
La réflexion d'auteur multimédia s'est portée sur la composition graphique, proche de son univers de peintre. Elle s'est également éprouvée sur l'interactivité. Avec l'intention "d'éviter les gadgets, (de) ne pas en mettre où il n'y en a pas besoin." Il a aussi pris le parti de ne pas être explicite, renonçant à toute indication de navigation en cours de route, parce que, "après tout, il s'agit d'un travail artistique, et pas d'un travail de documentaire". Le "dosage entre ce qui est interactif et ce qui ne l'est pas", c'est-à-dire les passages linéaires, reste ainsi parfois opaque pour le visiteur.

En attendant…
En attendant les prochains volets de ce projet, Nicolas Clauss reste très actif, participe aux concours (il a reçu le prix spécial du centre Georges Pompidou, lors du dernier Flash Festival), est exposé au Canada, crée de nouveaux modules (dont Jazz, le dernier mis en ligne sur son site), travaille à un projet d'installation interactive ainsi qu'à un projet chorégraphique avec un danseur de danse-contact. "La page est tournée des petits danseurs filaires en Flash", qui l'ont fait connaître - il y a un an et demi…

Damien Legrand


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