FLYINGPUPPET.COM des uvres dart plastiques sur internet Relativement inconnu du grand public, lart sur le web est pourtant une réalité propre à notre société contemporaine. Globalement protéiforme, exploitant plus ou moins radicalement les propriétés du langage internet et programmatique, la pratique artistique sur la toile chamboule jusquà la notion même duvre dart, à la fois par son mode dexposition (immédiateté, gratuité, ubiquité) et par son processus dexpression (modularité, variabilité, interactivité). Emergeant dans la seconde moitié des années 1990, dans la foulée de la popularisation exponentielle du réseau internet, lart en ligne apparaît demblée comme un vaste champ dexpérimentation pour les artistes qui investissent le medium fraîchement mis en place. Absence de codes, de normes esthétiques : tout est à faire. Cette pratique recouvre aujourdhui des formes dexpression multiples, chaque artiste développant sa propre technique, son propre style. Certaines uvres exploitent les spécificités du medium informatique dans une esthétique relevant de lencodage rudimentaire, dautres, moins nombreuses, sont investies dune recherche plastique plus "classique" (composition picturale, musique, ). Par ailleurs, les modes de création sont eux-mêmes variables : certaines créations sont statiques (une page internet fixe), dautres sont interactives (modifiées par les gestes de linternaute), et dautres encore sont dites génératives (nées dun processus de programmation donnant un résultat aléatoire). La plupart des uvres de net art jouent essentiellement sur le code informatique et le langage hypertexte. Lun des exemples les plus éloquents de cette démarche reste sans aucun doute le travail de JODI, duo dartistes belgo-hollandais dont les uvres, qui sapparentent à des pages internet dépouillées, laissent entrevoir la pure source matricielle du langage internet, plongeant ainsi linternaute dans les entrailles mêmes du réseau : http://wwwwwwwww.jodi.org, http://blogspot.jodi.org, http://404.jodi.org ou http://sod.jodi.org sont autant duvres détournant les conventions protocolaires de la toile et dont la compréhension réside essentiellement dans la consultation du code-source qui les a générées. La page daccueil du site http://wwwwwwwww.jodi.org par exemple, mosaïque informe de symboles et de chiffres divers, se révèle ainsi être le schéma crypté dune bombe atomique. Dans lensemble, peu de créations associées au net art sont investies dune réelle qualité plastique. Une uvre surprenante, maintes fois acclamée par la critique, émerge pourtant de la nébuleuse que forme ce nouveau champ disciplinaire : FlyingPuppet, lespace dexposition virtuel des tableaux interactifs de Nicolas Clauss. Artiste français né en 1968, peintre de formation, Nicolas Clauss abandonne la peinture en 2000 pour consacrer son talent à lart sur internet. Collaborant dabord à la création du site LeCielEstBleu (2000), il fonde en 2001 son espace personnel de création artistique, FlyingPuppet (2001-2008). Il y expose plusieurs tableaux interactifs dune poésie multimédiatique séduisante, réalisés pour la plupart en collaboration avec le musicien Jean-Jacques Birgé qui conçoit lunivers sonore des tableaux. Certaines de leurs compositions ont été primées dans des festivals dart numérique internationaux, tels que la Villette Numérique, le Web Flash Festival (Centre Pompidou), le Ciberart de Bilbao ou encore au Monténégro. Ils ont également réalisé ensemble luvre multimédia Somnambules (2003) dont ils exécutent depuis 2006 des performances live, luvre quittant lunivers virtuel de la toile pour devenir spectacle à part entière. Des représentations de cette performance sont dailleurs encore à prévoir pour 2009. Soumis à une durée indéterminée (libre à linternaute), chaque tableau de FlyingPuppet constitue pour linternaute une expérience sensorielle unique, fondée sur un processus dinteractivité qui lintègre dans la réception même de luvre. Préalablement structurés par un code, images, sons, formes et couleurs sont directement animés au gré des déplacements du curseur de linternaute, dont lintervention dans le processus de création se révèle quelque peu ambiguë. Car sil nest pas le créateur de luvre proprement dit, il en devient du moins, par lintermédiaire de la machine, lopérateur et donc, quelque part, le co-créateur : luvre existe à létat de code purs algorithmes déterminant les modalités dapparition des fragments constitutifs de luvre, composés et programmés par Nicolas Clauss mais cest linternaute qui, en actualisant ce code, la fait exister concrètement (et la module selon ses propres clics). Le rapport du "spectateur" à luvre dart "traditionnelle" est ici fondamentalement bouleversé. Luvre ne se donne pas à voir sous une apparence finie et immuable mais sous une infinité de manifestations visuelles possibles dont chaque actualisation est foncièrement unique. Loin de lhypertexte labyrinthique à la JODI par exemple, les uvres de Nicolas Clauss sont investies dune réelle portée esthétique, à mi-chemin entre le multimédia et les arts plastiques. La référence à une esthétique proprement picturale est évidente. Dabord par la notion même de tableaux interactifs employée par lartiste lui-même. Ensuite par lesthétique générale de ces tableaux : composition de formes, couleurs, motifs, images, dans les limites mêmes dun cadre. Et enfin par les multiples références à la pratique picturale : récupération de peintures de Botticelli (Dead Fish, 2002), référence aux nus antiques (Chassé-Croisé, 2001 ; Pénélope, 2002), détournement de nature morte (Peinture morte, 2003) et présence de cadres (Namsan, 2001 ; Chassé-Croisé, 2001), par exemple. Mais au-delà même du champ pictural, cest différents modes dexpression artistique que le travail de Nicolas Clauss embrasse. A travers sa petite quarantaine de tableaux, constituant chacun une authentique uvre dart plastique virtuelle, lartiste opère une récupération de dispositifs visuels et desthétiques culturellement reconnus : cinéma, peinture, panorama, animation, théâtre, danse, photographie ou vidéo se croisent ainsi avec les propriétés du medium multimédia (interactivité, modularité) dans des créations formellement délimitées par lespace du cadre, comme en cinéma, en photo ou en peinture. En quelque sorte, les tableaux de Nicolas Clauss sont une transposition esthétiquement picturale au medium internet de ces différents modes dexpression artistique. Dans lemblématique Chassé-Croisé (2001) par exemple, linteractivité de lanimation prend place à travers le dispositif de la représentation théâtrale, lui-même enchâssé dans le dispositif pictural. uvre dune délicatesse sublime, Legato (2001) mêle autrement danse, musique et animation avec linteractivité propre au multimédia, dans un style visuellement fascinant. Au curseur de la souris est assimilée une silhouette exécutant automatiquement diverses figures de danse classique sur un air de valse entraînant, et qui, une fois animée par le déplacement du curseur, se met à patiner sur la glace avec grâce, chaloupée entre une légère brume et quelques feuilles mortes qui se lèvent à son passage, et entraîne dans la danse les deux autres silhouettes restées statiques (à chacune desquelles est associée la partition musicale dun instrument venant sajouter à la mélodie initiale). Artiste complet et touche-à-tout, Nicolas Clauss récupère et retravaille également des images cinématographiques. Revisitant sans complexe la scène de la douche de Psychose, The Shower (2005) est dune invention visuelle étonnante, riche et complexe. La séquence du film est littéralement explosée en multiples fragments que les clics de linternaute animent progressivement. Fort ludique, Jumeau Bar (2003) sinscrit quant à lui dans lesthétique des petits films amateurs en 16mm et permet à linternaute dinteragir avec le court métrage en inversant à sa guise le défilement des images. Le travail multimédia de Nicolas Clauss prend de la sorte lallure même de celui dartistes ciné-plasticiens contemporains tels que Peter Tscherkassky ou Martin Arnold, figures-phares du mouvement Found Footage retravaillant chacun à leur façon des morceaux de pellicule déjà impressionnés : tandis que le premier, célèbre pour sa fameuse trilogie en cinémascope (LArrivée, 1998 ; Outer Space, 1999 ; Dreamwork, 2001), travaille directement sur lesthétique plastique de limage, le second décuple la durée du fragment de pellicule par des mises en boucles temporelles hyper fragmentées (Pièce touchée, 1989 ; Passage à lacte, 1993). Des créations de Nicolas Clauss, The Shower (2005) ou La photo (2005) rejoignent ainsi quelque part Tscherkassky dans leur esthétique plastique, et Jumeau Bar (2003) Martin Arnold dans son montage. Revisitant alternativement dans un style proprement multimédia lesthétique des images cinématographiques (The Shower, 2005 ; Jumeau Bar, 2003), le dispositif des panoramas (Dead Fish, 2002), les spectacles chorégraphiques (Legato, 2001), la danse serpentine de Loïe Fuller (Dervish Flowers, 2001) ou la mémoire attachée aux photographies (Les Dormeurs, 2002 ; La photo, 2005), et parsemant ses uvres de références picturales, Nicolas Clauss tend à conférer à ses tableaux un statut duvres dart plastiques à part entière, où sentrecroisent différentes esthétiques composant au final des formes artistiques hybrides. Génie de lart en ligne et multimédia,
Nicolas Clauss est lun de ces artistes contemporains à suivre
de très près, et à découvrir au plus vite
! Lensemble de ses uvres figurent sur son espace perso : http://www.nicolasclauss.com. |