PopTronics - 11/03/2008 Nicolas Clauss, un cur qui bat Il voltige sur Internet depuis plus de sept ans sans vouloir en redescendre. Prix de la Création Nouveaux Médias Vidéoformes 2008 (le 23e festival international arts vidéo et nouveaux médias, du 11 au 15 mars à Clermont-Ferrand), Nicolas Clauss est un cas à part de la création numérique. Une approche différente, très poétique, à lesthétique un brin sordide, proche de celle de Joel-Peter Witkin, quon retrouve au cur d« Un Palpitant », luvre primée par Vidéoformes. Des morceaux de vie qui palpitent Dans la droite ligne de son processus créatif, il tire sa matière première de ses rencontres avec des adolescents, des adultes et/ou des personnes âgées, pas forcément férus du milieu de lart, ni des nouveaux médias. Photographies, dessins, sons et mots sont montés en animations à la technique apparemment simple et à lesthétique surprenante : « 100 personnes qui sexpriment, créent des matériaux à partir desquels je peux réaliser mon travail : sculpter une uvre. » « Un Palpitant » parle de la vie, la mort, lamour Tout ce que Nicolas Clauss recherche : « Mon travail renvoie à une esthétique de la rumeur, de voix multiples, de brides, de flux et de vies qui coexistent. Un mélange dhistoires, de rêves, de frustrations, dans une approche magique plus que sociologique. » Des morceaux de vies et de corps quil découpe, ré-assemble sur un fond de pellicules photographiques scarifiées. La démarche de Nicolas Clauss pourrait paraître paradoxale, sacharnant à rechercher la notion de collectif dans le monde réel alors que lon nous assure, depuis lInternet, quil est plus aisé de la convoquer « virtuellement ». Linteractivité de ses uvres na rien à voir avec les débordements technologiques, participatifs et visuels du Web 2.0 : « Tout cela je men moque, dit-il, la rencontre, les gens de chair, lémotion, ce sont ces choses qui entrent en ligne de compte, et elles sont forcément conditionnées dans la communication via Internet ». Fidèle à une notion dinteraction sensible et intelligible, il nenvisage pas lInternet comme un lieu de création collective, mais lui accorde ses qualités dimmédiateté, de retour instantané et de potentialité à passer outre linstitution : « Plus ça va, moins je crois en lidée de lart numérique comme spécifique. Je conserve une vision romantique, proche des arts plastiques. Cest un outil fascinant qui remplace la peinture, mais ça nest que ça. » Cest peut-être « la » raison qui fait que Nicolas Clauss réussit si bien à transiter du « virtuel » au « réel » Un tableau numérique de la mémoire collective Son dernier projet, « Or not toupie », a ainsi transité par la Gare Coustellet puis la MJC dApt, avant dintégrer la Cité du Livre dAix-en-Provence, puis, à terme, de rejoindre lInternet. Cette installation visuelle et sonore composée dun triptyque duvres générées sur un mode aléatoire est là aussi issue dun travail collaboratif entrepris avec une centaine de personnes rencontrées tout au long de lannée 2007. Cette fois-ci, lartiste a fait plancher ses interlocuteurs sur la question de lenfance : « Quest-ce quun enfant ? Quest-ce quun adulte ? Quels liens entretenons-nous avec ces deux dimensions ? Comment sarticulent-t-elles ? » Rejaillissent les poupées, les dessins denfants, les jouets de bois ou danciennes photographies vieillies par le temps, dont lartiste se sert pour former sa vision personnelle dune mémoire collective de lenfance. En collaboration avec Arte France, « Or not toupie » se prolongera naturellement sur le Net. « Or not Toupies Suites », en cours de finition, fera émerger le pan interactif et manipulable de luvre. En attendant, on peut profiter en ligne du dernier arrivé
de la série flirtant avec le surréalisme des « Flying
Puppet », « Side Effects ». Cette uvre de commande
pour le collectif Year01 autour du thème « Vagus Nerve »
(le nerf vague en bon français) a été censurée
par le site canadien, qui a pris peur du détournement dune
téléconférence dentreprise (son projet part
du VNS, le Vagus Nerve Stimulation, un boîtier qui stimulerait un
nerf pour le traitement de la dépression). Se composant dimages,
de poupées, darticles de presse et autres insolites entremêlés
dans un tableau numérique à linteraction incertaine,
luvre rejoint donc le site originel de lartiste, entre
net-art et vidéo interactive. Car dans tout le travail de Nicolas
Clauss, on ne sait jamais trop bien qui contrôle quoi. |