Or not toupie
Par Jean-Jacques Birgé, 09/11/2007
À Marseille, arrivés à bon port à La Friche
Belle de Mai, nous sommes surpris par les visiteurs qui se pressent comme
des sardines devant l'entrée de la dernière uvre de
Nicolas Clauss. Il faut donc faire la queue pour assister au spectacle
projeté sur trois grands écrans dans la salle obscure accueillant
Or not toupie. Le public n'en sort qu'après y être resté
beaucoup plus qu'à l'accoutumée. Nicolas s'en étonne,
mais a-t-on envie de se réveiller lorsque l'on fait de beaux rêves
?
Dans la langue de Shakespeare, la conjonction de coordination disjonctive
or, indiquant une alternative, réfléchit la générativité
aléatoire des médias collectés par l'artiste. Les
dessins griffonnés par les enfants, leurs jouets et leurs grimaces
affrontent la voix des adultes évoquant leurs peurs. Les gamins
facétieux les singent, va-et-vient que la négation not tourne
ici en interrogation fondamentale, un terme ayant été subtilisé
au jeu de mots qui donne son titre à la mise en abîme. Ainsi
la toupie existentielle perdure sans autre remontoir que la magie informatique
régissant les trois ordinateurs synchronisés. La boucle
infinie constituée de centaines de témoignages et d'événements
graphiques et sonores nous trouble tant la plongée dans le passé
annonce l'avenir.
Sur l'écran, la chute des feuilles s'oppose à la croissance.
Le mouvement des objets qui n'en finissent pas de tomber contredit la
nécessité de grandir. Devient-on jamais adulte ? Comment
les enfants perçoivent-ils la vieillesse et la mort ? Quelle mémoire
résiste aux temps qui se superposent ? Le synchronisme accidentel
organise les questions en composant de magnifiques tableaux qui bougent.
La chambre noire se recouvre d'une pâte claussienne faite d'objets
récupérés auprès de ses nombreux interlocuteurs,
de films tournés avec eux, collage griffé, flouté,
secoué que l'art participatif du peintre fait exploser sur l'écran
de nos vies.
Quel que soit le temps vers lequel il se tourne, chacun retrouve ses petits,
celui qu'il fut ou celui qu'il deviendra. À la fin du vernissage,
les spectateurs s'assoient en tailleur les uns contre les autres pour
se laisser envahir par le rêve. Leur nombre fait miroir tandis que
dehors la nuit reprend ses droits. Hamlet fut jadis un enfant.
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